Mon conte de fée qui finalement n’en a pas été un.
J’ai eu l’immense bonheur, il y a 5 mois, de mettre au monde un troisième garçon. Un petit bébé en parfaite santé.
C’est alors que tout le monde me demandait la même chose. Comment était Kiliam avec le bébé?
J’imaginais déjà que chacun avait en tête cette petite vidéo qui circulait depuis plusieurs années sur laquelle j’ai été “tagué” nombre et nombre de fois. On y voit ce petit garçon trisomique qui court à la rencontre de son nouveau petit frère et qui est plein de gestes attendrissants pour celui-ci. Quel moment touchant!
Je sentais presque la pression de faire le même genre de vidéo montrant mon Kiliam heureux de faire la rencontre de son bébé frère.
Pourtant, pour nous, ça été une toute autre histoire.
Kiliam est bien venu voir son bébé a l’hôpital et oui ce fut tout de même un beau moment.
Mais pour vous mettre en contexte, Kiliam avait 6 ans et demi au moment ou Cohen est venu au monde. Je ne peux malheureusement pas savoir ce qui se passait dans sa tête puisqu’il parle très peu encore. Mais voici mon intuition par rapport à son raisonnement.
Premièrement, je ne suis pas certaine que Kiliam ai vraiment remarqué que j’avais une bedaine et du même coup un bébé dedans.
Ensuite, Kiliam aime bien jouer avec des poupées. Il les fait boire, et les câline puis il les “garoche” au bout de ses bras après quelques minutes de jeu.
Bien que ses poupées ne bougent pas, j’ai eu l’impression que c’est comme cela qu’il percevait ce nouveau bébé. Comme une poupée qu’on “garoche” quand on a fini de jouer avec.
Alors oui, il avait de beaux gestes pour son frère mais je ne pense pas qu’il comprenait que ce petit nous suivrait maintenant partout ou nous irions.
De retour a la maison, je me suis aperçu rapidement qu’il me serait impossible de quitter les yeux de mon bébé lorsque Kiliam était présent. Impossible d’aller me moucher, de répondre à la porte ou de mettre une brassée dans la sécheuse.
Kiliam est très doux et affectueux envers son frère lorsque nous le regardons. Alors au début, considérant qu’il est de tempérament tout de même assez gentil, nous lui faisions confiance pour de courts instants. Mais, aussitôt que notre attention se portait ailleurs, Kiliam pouvait tirer son frère par les jambes, les bras ou encore la tête. Il pouvait faire cela lorsqu’il était en hauteur, ce qui aurait pu être vraiment dangereux ou lorsqu’il était par terre, ce qui n’était pas vraiment mieux. Comme il est très fort, je redoute qu’il aurait pu carrément le prendre dans ses bras et le lancer. Lorsque Cohen était dans une petite chaise pour bébé, il prenait la chaise et la lançait sur le coté et ce avec Cohen attaché dedans. Vous imaginez ma terreur, lorsqu’une nuit, j’entendis le moniteur de bébé se déclencher et qu’en regardant sur l’écran, je vis Kiliam accroché au berceau de son frère!
J’avais l’impression d’avoir une poupée Chucky à la maison. Une poupée maléfique qui se tient bien tranquille quand on la regarde mais qui fait de mauvais coup quand on l’ignore.
C’est alors que je me suis mise a faire des cauchemars. Je me réveillais au milieu de la nuit, les yeux mouillés avec la peur au ventre. Je ne pouvais pas m’empêcher de m’imaginer le pire. Imaginer Kili causant une blessure irréversible à mon bébé si parfait.
Quand un nouvel enfant arrive dans une famille, on dit souvent que l’amour se multiplie.
Dans mon cas, je ne l’ai pas sentie comme ça.
Je ne voyais plus Kiliam du même oeil. J’avais l’impression d’avoir perdu mes lunettes roses. Cet amour inconditionnel qui m’aidait à vivre avec la trisomie.
J’avais carrément l’impression de ne plus l’aimer. Je savais que je l’aimais mais je ne ressentais plus l’amour. Même son visage me semblait différent.
Puis, il est devenu invivable. Il avait régressé de plusieurs mois, s’écrasait constamment par terre, pleurait, n’était plus capable de me communiquer ses besoins. Alors chaque moment du quotidien était devenu difficile avec lui sans oublier la peur indescriptible pour mon bébé.
Et ne vous m’éprenez pas, moi qui est championne des dépressions post partum, cette fois ci, ce n’était pas du tout le cas. J’étais heureuse, je m’alimentais bien et je dormais bien.
J’ai communiqué mon désarroi, ma peine et mes craintes à ma famille et au papa de Kiliam. Mes parents m’ont soutenu et m’ont donné des pauses, ce qui a été grandement bénéfique.
Je me suis sentie coupable, je me sentais dégueulasse de ressentir cela mais il fallait y faire face pour passer au travers.
Cohen a 5 mois aujourd’hui.
Est-ce que ça va mieux ? Oui!
Est-ce que Kiliam est encore dangereux pour son frère? Je ne lui laisse pas la chance, l’enjeu est trop important. Je pense qu’il a comprit qu’il fait maintenant parti de la famille et que ça ne change en rien sa place à lui. Je ressens de nouveau le grand amour pour Kiliam, bien que cela soit en quelque sorte à reconstruire. Il fait de beaux progrès ces temps-ci et j’en suis très fière ! Cohen grandira, deviendra moins fragile, il pourra se défendre et je pourrai laisser cette peur derrière moi.
Et vous savez quoi? Je suis tellement reconnaissante pour ses trois beaux enfants et pour les moments rigolos que Kiliam peut me faire vivre!